C’était juste après l’après-midi. Les rayons du soleil s’inclinaient édulcorants
vers la nature. Les grandes montagnes désignaient une peinture magnifique dans
laquelle je traversais tranquille le chemin solitaire du protagoniste. Je
regardais le relief et je m’arrêtais près de sources pour me rafraichir. Je
marchais doucement sur la pierre dure.
Mes poumons se gonflaient d’air pur. Une brise caressait mon âme et mon
corps en route pour l’ancien théâtre.
Le chemin m’a conduit jusqu’à un
versant. De loin j’ai noté combien il était grand et abrupt. Lorsque je suis
arrivé, l’ancien théâtre à ses contreforts s’est élevé devant moi. Il n’était
pas majestueux, comme les théâtres que nous sommes habitués à voir. Les
tailleurs de pierres avaient travaillé le rocher et ils avaient sculpté les
sièges des spectateurs.
Quelques rangées seulement, mais
harmonieusement disposées avec l’ensemble.
Devant la première rangée de spectateurs, il y avait deux places
solitaires, deux trônes de pierre qui délimitaient d’une certaine manière les
rapports des protagonistes et des spectateurs. La scène du théâtre, un chef
d’œuvre pavé, formait un demi-cercle. Au-dessous de la scène, un bâtiment en pierre était utilisé comme
vestiaire des acteurs.
Je me trouve maintenant dans les coulisses
et j’attends le début de la première où j’ai le rôle principal avec un groupe
d’acteurs importants et un metteur-en scène exceptionnel. Le succès de la représentation
dépend de la “véracité” de mon interprétation pour que le spectateur puisse
s’identifier émotionnellement avec moi. Tumulte
en dehors du théâtre. Les spectateurs arrivent.
En attendant sonner la cloche du
théâtre, je réfléchis à l’importance des rôles de ma vie. Toute mon éducation, depuis
mon enfance jusqu’ aujourd’hui, se faite à travers les enseignements
traditionnels qui sont soumis aux obligations et aux préjugés de la société
dans laquelle je vis. Moi, je suis appelé
à jouer tous ces rôles constamment par peur du rejet. Plusieurs rôles que j’ai
joués m’ont amené sans raison dans de directions différentes.
La pression subconsciente des
rôles dans toute ma vie et leur acceptation m’ont conduit à la profession
d’acteur. Il est connu que l’acteur {grec : ithopoios} est celui qui
notifie “ethos”. Mais que signifie “ethos”? Linguistes inexpérimentés et
soi-disant philosophes essaient de donner quelques définitions. Mais comment
peut-on définir (voire limiter) une situation qui se trouve en dehors de
l’expérience de celui qui l’a décrit. C’est impossible, une vraie imposture.
Pendant le spectacle j’essaie de
m’identifier au héros de l’œuvre (donc de donner le meilleur de moi) et en
jouant le rôle d’une personne que je considère importante, j’oublie combien je
suis insignifiant. Comme ça je cherche refuge dans toutes sortes d’échappées
que sont les rôles.
Mon rôle préféré se trouve dans
la comédie qui te permet de t’échapper momentanément de tes problèmes qui
t’attendent quand tu sors de la salle. Je ne supporte pas mon role, c’est
pourquoi mes propos concernent le heros suivant que j’essaie d’imiter. A la fin
de la représentation, les applaudissements du public confirment mon existence.
Quand je pense à la salle vide, je suis paniqué. Le spectateur qui est toujours
réceptif doit être d’accord avec les directions du metteur en scène pour que
son spectacle ait du succès. C’est pourquoi les efforts du metteur en scène, prenant
en compte les insuffisances du public, sont d’utiliser sa propre imagination
pour combler les lacunes de l’un et de l’autre.
Après la fin du spectacle, je me
suis retrouvé seul à la maison, perdu dans des émotions bipolaires qui me
captivent et m’enferment dans des oscillations psychologiques, des transitions
et des pensées qui consistent de connaissance limitée et des préjudices en
m’interrogeant sur le sens de la vie. Je me demande si la vie est un rôle ou
une situation en dehors.
Quand je pars du théâtre, je suis
en même temps le metteur en scène, l’acteur et le spectateur.
Malgré toute l’imagination que
j’utilisais pour sortir de mes émotions et de mes pensées, comme metteur en scène j’échouais toujours.
J’observe que je vis dans un système totalement absurde et que la difficulté de
trouver une interprétation m’aidant à m’échapper conduisait à malentendus,
imaginations, évasions et rêves.
Je voudrais interpréter ce
système dans lequel je vis, parce qu’en regardant la domination qu’on m’impose,
je comprends qu’il limite les degrés de ma liberté. Chaque degré de liberté se
trouve plus proche à la domination d’un domaine. Je constate qu’elle me
contrôle et me donne des directions. Pourtant, je le domine parfois, quand je
ne fais aucun effort pour l’interpréter, autrement j’expose mon interprétion et
par conséquence moi-même (et mon enfermement).
Comme metteur en scène, je décide quelle image je veux présenter au
spectateur. Ainsi, je m’expose moi-même comme spectateur et je me piège à mon
jeu (alors à l’insuffisance de ma performance).
Comme acteur, je joue le rôle qui
m’a été imposé par la vision limitée du metteur en scène sur la réalité.
Par là le spectateur perçoit la réalité. Mes observations me permettent de
m’identifier. En réagissant comme spectateur face au metteur en scène se crée
un nouveau scénario mais le conflit demeure entre les deux antagonistes.
Désormais, l’interprétation du metteur en scène jouée par l’acteur et vue par
le spectateur demeure la même. Nous sommes tous agressés et victimisés.
Dans ma solitude parfois, j’aperçois
que mes observations sur l’enfermement se trouvent hors du système. Dans cette situation
ne domine aucune pensée. La même chose arrive avec les émotions.
Quel est votre rôle?
Y a-t-il un moyen d’évasion?
Y a-t-il un moyen d’évasion?
Dominique Guionis
et Martha Isaakidi